A review by apanneton
Good Morning, Midnight by Jean Rhys

Étrange de lire ça tout de suite après L'Invitée de Simone de Beauvoir, qui, malgré ses complications sentimentales & ses tragédies, est porté par un optimisme volontaire -- on peut changer le monde, on peut se proposer de nouveaux modèles, de nouvelles façons de lier sa vie à celle des autres. Le roman de Jean Rhys, au contraire, ne peut & ne veut plus rien. Sasha, sa narratrice, erre dans un Paris triste de l'entre-deux-guerres, butée contre un présent à qui elle ne promet rien. L'essentiel, se répète-t-elle, c'est d'avoir un programme, une feuille de route : manger un morceau, aller au cinéma, se faire teindre les cheveux (en blond cendré, une couleur difficile), acheter un chapeau, choisir le bon café où prendre un verre -- celui où l'on ne vous reconnaîtrera pas, comme personne ou comme archétype. L'énergie du livre n'est pas à chercher dans l'intrigue, mais dans le regard de Sasha, son humour fatigué mais perçant, sa voix puissante même sous la lassitude. Comment se résigner à ne plus rien attendre du monde? Comment apprendre à son corps à ne plus se tendre vers le printemps? Good Morning, Midnight ne dit pas que c'est impossible; il murmure simplement que l'indifférence est une joie difficile, glissante, creuse lorsqu'attrapée.